Entretien avec Gabrielle Cognot qui présente son travail de prévision de la température de l’eau des rivières

Le déversoir du Bazacle à Toulouse (janvier 2023)
Le déversoir du Bazacle à Toulouse (janvier 2023)

Qui suis-je?

Je suis Gabrielle Cognot, étudiante en dernière année du parcours Eau et Environnement à l’ENSEEIHT, une école d’ingénieurs du groupe Toulouse INP. J’ai choisi pour réaliser mon stage de fin d’études de travailler dans la recherche. A ce titre, j’ai répondu à la proposition du Conseil Départemental de la Haute-Garonne (CD31) en collaboration avec l’Institut de Mécanique des Fluides de Toulouse (IMFT) au sein de l’équipe Hydrologie, Eco-Hydraulique et Ondes où je travaille depuis mi-mars. Le sujet de mon stage s’inscrit dans le cadre du Projet de Territoire Garon’Amont (PTGA) et porte sur la prévision de température de l’eau des rivières en fonction de paramètres hydroclimatiques. Je travaille avec Kévin Duplan côté CD31 et Mohamed Saadi côté IMFT.

Pourquoi s’intéresser à la température des cours d’eau ?

La température d’un milieu aquatique est un paramètre primordial qui contrôle le développement et la répartition de la faune aquatique. De plus, la production d’eau potable, par exemple pour l’agglomération de Toulouse, est dépendante de la bonne qualité des eaux de surface, et en particulier de leur température. Il s’agit alors d’un paramètre dont la connaissance et la prévision présentent un intérêt majeur, notamment dans le contexte de réchauffement global que nous vivons. Il n’est donc pas surprenant que le CD31 s’y intéresse afin de suivre l’état des ressources en eau de surface à l’échelle du département. C’est justement l’objectif de l’action D 1.2 dans un premier temps : mettre en place un réseau de mesures dense afin de suivre l’évolution de cet indicateur sur le territoire du bassin amont de la Garonne. Malheureusement, la température de l’eau des rivières est actuellement peu mesurée si bien qu’il reste difficile de caractériser ses dynamiques spatiales ou temporelles quoique ses déterminants soient bien identifiés. Pour pallier ce problème, on a recours à des modèles numériques plus ou moins sophistiqués qui exploitent les mesures déjà existantes. D’autre part, dans un contexte de changement climatique, on souhaite pouvoir extraire une tendance ou une projection afin de pouvoir évaluer l’impact de ce changement et mettre en place des stratégies d’adaptation adéquates.

Quelle approche, quels objectifs ?

L’objectif principal de mon travail est d’explorer la capacité des modèles basés sur les réseaux de neurones artificiels à reproduire les séries temporelles de température de l’eau observées dans le passé. Cela nous permettra de les utiliser pour interpoler dans l’espace et projeter dans le temps l’évolution future de la température de l’eau des rivières en fonction des scénarios de changement climatique.

A l’IMFT, nous avons choisi de développer un modèle statistique de type réseau de neurones récurrents à mémoire long et court terme (ou LSTM, pour Long Short-Term Memory). Ces modèles sont capables d’exploiter les motifs dans une séquence de données par exemple l’enchaînement des mots dans le cas de la traduction d’un texte, ou, dans le cadre de mon stage, la dynamique du cours d’eau sur une certaine période dans le cas de la température de l’eau.

Nous faisons apprendre à ce réseau la relation entre la température de l’eau de rivière en un point donné et à une date donnée et la température de l’air et le débit au pas de temps journalier observés sur les quelques jours précédant cette date.  Pour ce travail, nous exploitons des données de température collectées sur une trentaine de stations dans le cadre du PTGA issues de divers producteurs (association MIGADO, base de données nationale Naïades, fédérations départementales de pêche), des forçages météorologiques (produit SAFRAN de Météo France) et de débit (Hydroportail).

Résultats préliminaires

Les résultats obtenus sont cohérents avec ceux publier dans le premier rapport annuel de suivi de la température : les stations peuvent être réparties selon trois secteurs géographiques : (1) le secteur amont dans les Pyrénées, où l’eau des rivières est la plus fraîche et Teau, M30J ne dépasse pas 16 °C, (2) le secteur « intermédiaire », et (3) le secteur « aval » dans la plaine où Teau, M30J dépasse les 20 °C. Dans un second temps, nous avons testé plusieurs structures de réseaux de neurones pour reproduire les chroniques de température de ces stations. Ces modèles ont démontré une bonne reproduction des séries observées dans le passé. A mi-chemin de ce stage, nous confirmons donc l’efficacité de ce type de modèle pour reproduire des chroniques de température de l’eau, et ce sans décrire explicitement les processus physiques déterminant cette variable. Nous montrons un exemple (Figure 1), où le réseau a pu reproduire une série de température à la station du Bazacle à Toulouse avec ici une erreur absolue moyenne (distance entre les observations et les simulations) entre les  de 1.1 °C en utilisant les relevés de température de l’air des 60 jours précédents.

Qu’est-ce que ça m’apporte ?

Ce stage m’a permis d’échanger avec des acteurs aux profils variés, que ce soit l’équipe du conseil départemental en charge du PTGA, l’équipe des chercheurs à l’IMFT, ou les agents du pôle éco-hydraulique de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) hébergés à l’IMFT. Ce stage me permet également de compléter ma formation d’ingénieure en eau et environnement avec des compétences en intelligence artificielle et des connaissances sur la thermie des cours d’eau.