Vue d’ensemble

Les glaciers des Pyrénées suivi par l’association Moraine

Créée en 2001, l’association Moraine a pour vocation première de mesurer annuellement les variations des glaciers des Pyrénées françaises, en étroite collaboration avec ses homologues alpins et espagnols. De longue date, elle bénéficie du soutien financier de la Région Occitanie, des Départements de la Haute Garonne et des Hautes Pyrénées, du Parc National des Pyrénées.

Aujourd’hui, ces travaux glaciologiques sont reconnus puisque les données récoltées sont régulièrement transmises à différents observatoires au niveau régional (Observatoire pyrénéen du changement climatique), national (Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique et Observatoire Glacioclim (CNRS/Insu/Osug)) et international (World Glacier Monitoring Service).

Les glaciers sont des stocks d’eau solide permanents à l’échelle humaine. Ils se renouvellent par l’alternance de l’accumulation neigeuse hivernale qui les fait grossir et la fonte estivale qui les fait maigrir. Ils constituent ainsi des outils de choix pour l’étude du climat et reflètent, de façon très visuelle, l’évolution des paramètres atmosphériques (températures, précipitations…). Ce sont des lanceurs d’alerte !

Evolution des glaciers des Pyrénées depuis 1850

Depuis 1850 (fin du Petit Age Glaciaire), les trois-quarts des glaciers pyrénéens et 90% de leur surface ont disparu. En complément des chiffres, la photographie comparée offre une vision objective de cette vertigineuse régression. Ici, le glacier de la Maladeta (Pyrénées espagnoles), est observable avec 165 années d’écart. Bien que situé en Espagne, et comme les autres glaciers du massif d’Aneto, par un cheminement souterrain, ces eaux glaciaires ressurgissent dans le Val d’Aran et alimentent la Garonne !

Evolution en 1857

Photographies comparées du glacier de la Maladeta (Pyrénées espagnoles), 1857 – 2022

Avec aujourd’hui une vingtaine de glaciers pour environ 2km² (200ha) d’englacement, les glaciers pyrénéens sont particulièrement modestes et vulnérables. Face à la rapidité du réchauffement climatique, leurs conditions d’existence ne sont plus réunies. La fonte record de l’année 2022 est une illustration de cette tendance lourde.

Fonte record des glaciers pyrénéens en 2022

En 2022, les glaciers pyrénéens ont subi une régression record comme en témoignent les paramètres mesurés (longueur, surface, volume). Avec -4,5m d’épaisseur, le glacier d’Ossoue perd 2,5 fois plus que sa moyenne (-1,8m). Le glacier de la Maladeta (Pyrénées espagnoles) enregistre également un record de fonte avec -3,3m d’épaisseur contre -0,9m en moyenne.

Au-delà des chiffres, plusieurs glaciers se sont morcelés et d’autres sont devenus trop réduits pour être comptabilisés à l’avenir comme ceux du Portillon et du Boum dans le Luchonnais sur le périmètre Garon’Amont. L’année glaciaire 2022 est la plus déficitaire depuis au moins 2002 (date du début des mesures systématiques), mais très certainement depuis bien plus longtemps.

Cette fonte record 2022 est la conséquence de conditions météorologiques défavorables aux glaciers :

  • une accumulation neigeuse hivernale médiocre (inférieure à la moyenne),
  • des apports significatifs de sables sahariens accélérant la fonte par diminution de l’albédo,
  • des vagues de chaleurs précoces et répétées au cours de l’été.
Relevé de la fonte au glacier d’Ossoue (Vignemale 65)

L’eau des glaciers pyrénéens

Les surfaces englacées pyrénéennes se localisent dans le bassin versant de l’Adour pour 35% (Balaïtous, Vignemale, Gavarnie), dans celui de la Garonne pour 8% (Luchonnais) et dans celui de l’Ebre en Espagne pour 57% (Enfer, Mont Perdu, Posets, Aneto). Mais, le massif d’Aneto et ses 35% d’englacement voit ses eaux de fonte atteindre la Garonne part une circulation souterraine qui ressurgit dans le Val d’Aran. Au total, la Garonne draine donc 43% des eaux glaciaires pyrénéennes.

Cependant, quelques soient les pourcentages concernés, ces glaciers représentent une part infime des grands bassins versants de montagne et leurs apports d’eaux s’avèrent négligeables. Cette remarque était déjà formulée au début du XXème siècle : « Les plaques de glace pyrénéennes sont trop petites et trop disséminées pour donner naissance, comme les grands appareils des Alpes, à des écoulements susceptibles de relever en été les débits des cours d’eau des vallées inférieures. » (Rabot Ch. dans Gaurier L., 1921).

Néanmoins, les glaciers jouent un rôle d’indicateur de l’évolution de la ressource constituée par l’ensemble de la neige accumulée pendant l’hiver. Leur étude, en plus de nous renseigner sur la quantité de neige stockée, permet de connaître la rapidité et l’importance de l’ablation estivale.

Glacier d’Ossoue (Vignemale, 65)

Zoom sur le glacier du Seil de la Baque - vallée d’Oô, Luchonnais

On parvient au glacier en remontant la longue vallée d’Oô, dont la topographie fournit un exemple parfait pour illustrer les particularités des différents étages de la montagne. Avant l’ascension proprement dite, le lieu-dit des granges d’Astau, à 1 100m, est le dernier espace aménagé par les hommes dans la basse vallée. L’étage forestier caractérise ensuite le paysage environnant le lac d’Oô, à 1 500m. À 1 900m, le palier d’Espingo, très ouvert, se distingue par sa végétation rase : la pelouse d’altitude. Enfin, à quelque 2 600m, dans des conditions climatiques extrêmes (la température moyenne annuelle est inférieure à 0°C, la neige est présente dix mois sur douze), roches, neiges et glaces dominent dans l’ultime étage du Portillon et du lac Glacé. À la fin du XVIIIème siècle, l’ampleur de l’englacement dans ce secteur avait frappé Ramond de Carbonnières : « C’était le plus beau désert de ce genre que j’eusse trouvé dans les Pyrénées. La brèche de Roland même ne m’avait rien présenté de pareil pour la grandeur des objets et la fierté des formes. Et ce qu’il y avait d’inopiné, dans l’apparition de cette vaste région de neige et de glace, mêlait, à l’impression que sa vue me faisait, une sorte d’étonnement qui croissait à mesure que j’en reconnaissais l’étendue. On donne le nom de Selh de la Baque au lieu où nous étions ».

En 1850, ce glacier était le troisième plus grand des Pyrénées, après ceux de l’Aneto et du Mont Perdu, avec 145ha environ. Un siècle plus tard, il ne couvrait plus que 70ha. Sa régression fut ensuite rapide car son morcellement le rendait davantage vulnérable. Aujourd’hui, les trois zones de glace qui subsistent comptent un total de 9ha. Le Seil de la Baque a donc perdu 94 % de sa surface.tr

Photographies comparées du glacier du Seil de la Baque (Luchonnais, 31), 2000 – 2020

Plus d’information sur le travail réalisé par l’association Moraine : http://asso.moraine.free.fr/.

Article rédigé par Pierre RENE, Association Moraine, 31 110 Luchon